Saturday, October 23, 2010

La Philanthropie ou l'Etat

«Là où est l’amour de l’homme est l’amour de l’art.» L’aphorisme hippocratique place sans ambiguïté la philanthropie au coeur de la médecine. Depuis l’Antiquité, le médecin traite sans discrimination riches et pauvres: il adapte ses honoraires aux moyens de son patient, y renonçant au besoin. Un économiste viennois m’asséna, un jour où j’exposais cet aspect de notre éthique: «Vous vous adaptez simplement aux possibilités du marché: un peu comme le fait le discounter pour élargir sa clientèle.» Il n’avait pas entièrement tort. Ce n’est que lorsque la médecine quitte le marché que l’homme de l’art cède la part comptable de son altruisme au prêtre, au prince ou à l’assurance sociale.

Délogée par la sécurité sociale, la charité privée s’est éloignée de l’homme malade. Elle n’a pas disparu. Les plus-values du marché libre aboutissent tôt ou tard dans l’escarcelle d’un philanthrope. Rares sont les grandes réussites qui n’engendrent pas leur fondation caritative: Roger Federer fait rebondir une partie des millions captés par sa raquette vers les enfants de Soweto; George Soros, spéculateur sans pitié, est devenu un des cinq plus grands donateurs de la planète, la fondation Bill Gates a fait du titan du monde virtuel un géant du monde vertueux.

Le secteur philanthropique «vaut» en Suisse plus de 30 milliards de francs. Il distribue chaque année aux Etats-Unis plus de 250 milliards de dollars, ce qui relativise le qualificatif de «sauvage» attribué au capitalisme de ce pays. L’Etat, dont la fonction essentielle est de gérer l’obéissance - prétend depuis Bismarck et ses clones, se preoccuper du sort des malades. Cette tâche est foncièrement étrangère à sa nature. Rien d'étonnant à ce que la grande philanthropie redécouvre que même les pays riches ont besoin d’elle. Comme le démontrent les généreux legs et donations privées dont bénéficient régulièrement en Suisse hopitaux et centres de recherche médicale.

Sunday, October 17, 2010

La Force du Guérisseur

L’orthodoxie médicale est confrontée aujourd’hui à la concurrence de thérapeutes proposant mieux-être ou guérison par les fleurs, les couleurs, l’imposition des mains ou même le simple coup de fil. A l’heure où l’on ne pardonne rien à la médecine curative et où sa pharmacopée devient aussi suspecte que le CO2, le crédit accordé à ces guérisseurs aux mains presque nues interpelle. Avant de sacrifier ce qui lui reste d’autonomie au culte de l’«evidence-based», notre corporation se doit d’analyser ce phénomène.

Les sceptiques reprocheront aux alternatifs un discours holistique plus proche de la pata-médecine ou de l’attrape-gogo que de la philosophie ou de la science. Le cartésianisme médical attribuera leurs miracles aux méandres neurobiochimiques complexes de l’effet-placébo; la foi des thuriféraires démultipliant sans doute l’effet de grigris plus flamboyants que le comprimé d’amidon, lesuppositoire au beurre de cacao ou l’ampoule de NaCl. La véritable force des alternatifs ne provient pas de l’efficacité (relative) de leurs secrets. Elle doit être recherchée dans leur refus – par principe – de subir la tyrannie des statistiques. Leurs évidences se fondent sur la vérité de l’être unique qui sollicite leurs services. Le patient-client se réapproprie la définition de ce qu’est la guérison. Il rétablit avec son thérapeute, et sans l’intrusion detiers, l’équilibre perdu du colloque singulier… naguère la force d’Hippocrate!

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